Dans les disputes qui opposent les militants pro-prédateurs aux bergers et éleveurs, on voudrait nous faire croire que nous sommes en infériorité par rapport à une association écologiste dont les bonnes intentions sont assurées par le but non lucratif.
Mais une association sans but lucratif est constituée de personnes qui gagnent leur argent d’une autre façon, rarement sans impact sur la nature. C’est ainsi que, souvent, ils ont besoin de s’acheter une bonne conscience et ce marché est florissant.
Ce n’est pas ainsi que l’on peut avoir une action bénéfique sur notre environnement mais en tâchant de faire des actions justes à tout moment. Un artisan qui produit des meubles solides et beaux n’utilise pas les ressources de la nature en vain. Son travail durera plusieurs générations et pourra être revendu le cas échéant. Les ressources naturelles auront le temps d’être régénérées avant qu’il n’y ait besoin de remplacer ce meuble.
Lorsque donc on prétend « remettre les bergers à leur place » en leur rappelant que le but de leur activité est de produire de la viande et gagner de l’argent, je me dis tant mieux ! Nous sommes quittes de prendre le prétexte de « sauver la planète » pour faire tout et n’importe quoi.
Notre activité lucrative nous préserve de cette énorme présomption alors que le WWF par exemple a certes une activité à but non lucratif et vit de dons mais il garde une mentalité de banquiers. Leur façon de procéder est basée sur la financiarisation de la nature avec des dérives bien connues.
Férus l’association pro-prédateurs n’est pas plus une structure de défense de la biodiversité que ne l’est un berger avec ses moutons et ses chèvres car elle ne cherche le développement que de trois espèces de prédateurs qui font fantasmer les humains et dont l’impact positif sur notre environnement naturel n’est pas du tout plus évident que celui des troupeaux. Ce n’est pas une valeur absolue.
Gilbert Cochet, un militant écologiste radical est connu pour sa petite phrase « l’homme même avec ses troupeaux n’a jamais créé la moindre orchidée ». Tant mieux, ce ne sont pas les nombreux bergers qui combattent les OGM qui diront le contraire. Un naturaliste non plus n’a jamais créé la moindre orchidée. D’où vient cette idée ? Les bergers seraient trop stupides pour comprendre ce que signifie « favoriser la biodiversité » ? Je n’avais jamais entendu des paysans prétendre que leur activité avait créé des espèces naturelles avant la diffusion de cette petite phrase.
D’où vient alors l’idée que les troupeaux auraient pu créer des espèces d’orchidées ? Eh bien de Gilbert Cochet lui même et de ses semblables. Ces écologistes radicaux passent leur temps à démontrer que la nature sauvage ne peut être que de foret. De fait, ce serait même le cas de la steppe ou de la savane s’il n’y avait pas d’herbivores or ce n’est pas non plus l’homme qui à inventé le pâturage. A force de nier l’existence des milieux naturels ouverts, Gilbert Cochet s’est trouvé dans une impasse ne sachant comment expliquer les espèces naturelles spécifiques de ces milieux et s’est alarmé qu’on puisse penser que c’est l’homme avec ses troupeaux qui les a créées.
Cette façon d’idéaliser la foret se retrouve très fort dans les arguments en faveur du loup. On nous dit que grâce à ces prédateurs, il y aurait enfin une régulation des herbivores sauvages qui décimeraient les forets. Pourtant, les articles abondant dans ce sens font référence à la sylviculture, rarement à la foret naturelle. Pour la sylviculture, il en va de même que des autres cultures, les dégâts des herbivores sauvages sont réels. Mais pour la nature sauvage comment la juge t’on ? Il faut savoir que par ailleurs, dans les programmes très interventionnistes qui accompagnent le retour du loup, on réintroduit et favorise le développement d’herbivores dans des endroits ou le loup pourrait manquer de nourriture. On ne juge donc pas comment le loup est utile mais comment être utile au loup et les conséquences de tels programmes sur le reste de la biodiversité n’est pas, à priori, plus bénéfique que le pastoralisme.
Le pastoralisme n’a pas pour but de préserver la biodiversité ou sauver la planète et c’est tant mieux tant ces considérations sont aléatoires mais, en plus du travail incontestable (lui) d’entretien de notre environnement, le pastoralisme a une réelle « mission » dans notre société dont je ne doute absolument pas de ses répercussions positives y compris en matière de biodiversité.
Lors du festival de film « pastoralisme et grands espaces » a été projeté un film « grazy » ou étaient filmés différents débats sur le loup. Une représentante de France Nature Environnement qui n’avait rien d’une « ultra-écolo » y prenait la parole très calmement pour exposer une idée qui semblait évidente pour elle. Elle comprenait les éleveurs qui parlaient d’endroits ou la prédation était devenue insupportable et sa réaction était qu’il fallait donc envisager d’abandonner certains pâturages.
Cette idée qui semble à certains consensuelle me fait bondir.
L’intérêt du pastoralisme extensif que pratiquent les bergers est d’effacer les clôtures, les cloisonnements. Un berger qui fait pâturer l’orée des forets et entretient les clairières accepte par ailleurs les bosquets ou les mares dans les espaces ouverts. S’il ne peut plus faire pâturer les forets et la broussaille il intensifiera l’exploitation des terrains qui lui restent, coupera les bosquets pour que le loup ne s’y cache pas, asséchera les mares. N’y a t’il pas suffisamment de dégâts en ce sens pour vouloir en rajouter ? L’opposition entre nature et culture se figera sous forme d’une frontière imperméable entre les deux espaces ou le pastoralisme n’aura de toute façon plus sa place.
Lors de la même séance un autre film était projeté « La bergerie des Malassis » sur un habitant de cité HLM qui avait créé une bergerie associative et faisait pâturer une poignée de moutons et chèvres aux pieds des HLM. Cela était suivi par un débat sur le thème « Le pastoralisme, une opportunité pour nos sociétés en quête de sens ? »
Oui, le pastoralisme extensif a du sens. Il combat directement et concrètement les cloisonnements. Le pastoralisme est en mesure de donner une raison d’être à un no man’s land. Les pâturages extensifs sont, pour le berger, des terres à protéger notamment de la spéculation tandis qu’un espace naturel protégé, en étant considéré comme un patrimoine naturel, n’est pas assuré de demeurer un milieu vivant car un décret, un règlement sont subis passivement. En matière de sens ils sont inertes et c’est le début d’une autre logique, celle de la financiarisation de la nature avec ses capitaux naturels et même des dividendes.
Si l’on se pose la même question par rapport au loup, quel sens peut-on trouver à son retour, quelle philosophie peuvent porter les militants pro-prédateurs ? il s’agit surtout de tolérance du « vivre ensemble » que serait sensée développer la fameuse « cohabitation ».
Or cette idée est en échec car les organisations militantes pro-prédateurs préfèrent utiliser le fameux prétexte de sauver la planète pour justifier l’autoritarisme et l’arbitraire.
On nous dit que le pastoralisme n’est pas le seul utilisateur des espaces naturels, le tourisme serait bien plus rentable. C’est cet aspect qui nécessiterait d’avoir des grands prédateurs car les touristes en seraient friands.
D’abord, il faut savoir de quels touristes on parle car les nombreux randonneurs qui sillonnent les montagnes depuis des décennies ont aujourd’hui peur des chiens de protections des troupeaux d’une façon significative pour le chiffre d’affaire des professionnels du tourisme.
Mais pourquoi vouloir confronter tourisme et pastoralisme ? Eh bien parce que les touristes c’est un peu tout le monde alors que les bergers ne sont qu’une minorité.
Le tourisme ne serait pas une exploitation de la nature ? Ses interactions négatives avec le pastoralisme ne se produisent que suite à de mauvais comportements. Cela n’est-il jamais le cas par rapport à la nature ? Si on fait au lynx le même coup qu’au loup, s’en servir comme appât à touristes, il disparaît.
Aujourd’hui, même les militants pro-prédateurs utilisent le prétexte de la rentabilité pour dénigrer le pastoralisme. La boucle est bouclée et c’est bien par l’argent que les apprentis sorciers de l’écologie prétendent donner ou retirer du sens au pastoralisme ou à la nature. Or retirer du sens tout le monde sait le faire aujourd’hui, mais en trouver c’est une autre paire de manche car il ne faudrait pas s’imaginer que ce qu’on détruit d’un côté servira à renforcer l’autre. Non, c’est autant de perdu pour tout le monde !
La défense du pastoralisme se développe de plus en plus. Certes, elle prend souvent la forme d’une lutte anti-prédateurs ce qui peut choquer. Mais notre société a abandonné tant de ses valeurs qu’elle n’est plus capable de proposer un engagement authentique pour la nature. Elle se raccroche donc à quelques faire valoir comme le loup qui ne sont pas réellement convaincants.
Par contre, la mobilisation pour le pastoralisme a déjà motivé les bergers à se préoccuper de leurs collègues nomades dans d’autres continents, à se rapprocher des bergers sans terre d’Europe de l’est confrontés à un jeux de Monopoli géant et à afficher leurs solidarité pour les communautés traditionnelles de chasseurs cueilleurs dont on voudrait nous faire croire qu’ils n’ont plus de place dans le monde actuel que comme figurant pour touristes.
Ce combat est évidemment positif.
Mathieu Erny